GAÏA, LA TERRE
A tous les petits et les grands
C’est une histoire que beaucoup de grands ne
savent pas. Un secret. Un secret qu’il faut dire à
tout le monde ! Tous les grands et tous les petits
Car il y a toujours un petit dans un grand, même et
surtout s’il ne le sait pas.
Ça se passe sur une planète. Des planètes, il y en a
beaucoup. Tant et tant que l’on ne sait pas combien.
Une planète c’est rond. A peu près. Comme un
vieux ballon avec lequel on a un peu trop joué. Ratatiné,
avec des bosses,mais rond quand même. Avant,
il y a bien longtemps, on croyait que la terre c’était
plat comme une galette.
Un homme avait bien dit le contraire, mais comme
il était seul à l’affirmer, on l’avait traité de vieux fou.
C’était quand on ne savait pas encore. Bien plus tard,
un cosmonaute est monté là-haut dans un avion-soucoupe
en forme de suppositoire et on a su ce qu’on
devinait déjà : les planètes étaient rondes. Le cosmonaute
a rapporté plein de choses de la lune : des
échantillons de cailloux, de la poussière d’étoiles
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L’enfant en soi
Un jour, bientôt, tu pourras toi aussi aller sur la
lune et tu verras tout cela de tes propres yeux. Aussi,
garde-les toujours bien ouverts
La terre, notre planète, ressemble à beaucoup
d’autres planètes. La nôtre est bleue. Les Anciens
l’appelaient Gaïa.
Chaque planète a sa propre couleur et des couleurs,
il peut en exister des milliers. Nous, on a de
la chance car sur la nôtre il y a de l’eau. Si elle était
toute sèche, on ne serait pas nés. Avant, il y a fort
longtemps, nous vivions tous dans l’eau, nus comme
des vers. C’est une expression de grands qui signifie
qu’on n’a pas besoin d’habits. Forcément, dans
l’eau !
Pour vivre, la terre a besoin d’eau et d’air. Nous
aussi : on a soif, on doit respirer, on fait du feu pour
cuire les carottes qui elles ont poussé dans la terre.
Les carottes crues, ce n’est pas mauvais non plus,
mais un jour un homme en peau de bête a frotté deux
roches l’une contre l’autre, et ça a fait des étincelles.
Un peu trop près et sa peau de bête a brûlé. Depuis,
on ne tue plus les bêtes pour s’habiller et on
peut manger les carottes cuites. Enfin, c’est presque
ça sans que cela le soit tout à fait. Toujours est-il que
le feu, lui, était né.
Il existe également beaucoup de choses dans l’invisible.
Du gaz, des ondes pour écouter la radio et
des chemins pour les oiseaux à travers les nuages.
L’homme ne sait pas encore vraiment voir le monde
de l’invisible. Parfois, un enfant, ou alors un homme
avec un coeur d’enfant, ou bien encore les chats,
savent capter la vie au-delà de la matière.
La terre a un noyau. C’est un peu comme un
cerveau. Le noyau est un gros aimant qui sert à nous
tenir debout. Sans quoi, on tomberait dans le ciel.
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Marie Duval
Alors l’aimant nous rattrape avant qu’on ne chavire
dans le vide. Mais on ne s’en rend pas compte, car
elle n’est pas bête la terre. Elle tourne et se cache
derrière son ami le soleil. Et pendant ce temps-là
nous on est dans la lune. C’est dire si elle nous aime
la terre !
Au milieu de la terre, autour du noyau, il y a une
sorte de bouillie très chaude et d’un rouge formidable.
On appelle ça du magma. Pour protéger la
terre, il y a une croûte. Comme notre peau. Mais
par endroits, il y a des bosses sur la croûte. Quand il
fait un peu trop chaud au milieu du globe, ça éclate :
BING BANG !! Et même plus fort que ça !
La bouillie rouge se met alors à jaillir à toute vitesse
des entrailles de la terre. C’est un volcan, telle une
montagne en colère. C’est un peu comme un bouton
quand un moustique vous pique sur le nez. Et
Zac ! D’un coup. On n’a pas eu le temps de le voir
venir. Le volcan, pas question de lui mettre un pansement,
il enverrait tout balader. Alors, on attend. Il
se calme tout seul. Ca n’a pas bon caractère un volcan
! Mais on l’aime bien quand même car les couleurs
qui sortent de sa bouche sont magnifiques. Il
y a du rouge flamboyant, de l’orange tout chaud, du
carmin, du vermillon Des couleurs qu’on ne voit
pas partout. Parfois, le volcan fait irruption sous la
mer. La bouillie rouge se met alors à gicler d’un jet
du fond de l’eau et vient se mélanger avec les vagues
jusqu’à la surface. Il faut voir ça ! Un spectacle fabuleux.
Les poissons, eux, se faufilent entre les vagues
à tire-d’aile. Il faut dire que l’eau est un peu chaude
dans les parages !
Tout ça pour te dire que la terre et nous c’est pareil.
Absolument pareil ! En moins rond bien sûr !
Un homme respire, bouge, chante. La terre, le soleil,
tous les astres, émettent des sons et chantent.
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L’enfant en soi
Seulement voilà, on fait souvent tellement de bruit
qu’on n’entend plus rien d’essentiel.
Chaque homme est une petite planète à lui tout
seul. Et tous les hommes forment un grand tout.
Chaque être est comme une petite partie de l’univers.
Pour les animaux, les plantes et tout ce qui existe,
c’est identique. Car tout vit, même ce qui semble
sans vie. C’est dire l’importance de chaque chose.
Sur la terre, il y a nous. Et dans nous, il y a aussi
plein de petites planètes : ce sont des cellules, avec
un noyau, le plasma, et une peau tout autour. Les
cellules prennent soin de notre santé. Elles doivent
toujours être en pleine forme. C’est pour cela qu’on
leur donne la meilleure nourriture, l’eau la plus pure,
sans quoi on rabougrit vite fait.
De grands savants, qui sont parfois aussi des
poètes, ont découvert que dans chaque cellule — et
tu penses bien qu’il y en a des milliards — il y a le
monde entier représenté en tout petit, en microscopique.
Eh oui ! Car le monde est un hologramme.
ça c’est une trouvaille ! La révolution des idées.
Lorsqu’on est en pleine forme, on peut s’amuser à
l’ombre d’un arbre qui dort au soleil, ou cultiver des
fleurs, aller à l’école en chantonnant, rire avec les
copains et faire ce que bon nous semble. Les grands,
eux, pendant ce temps donnent des graines à manger
à la terre et elle, elle nous fabrique du pain avec du
blé. Ils rient aussi parfois, bien qu’en vieillissant,
ils rigolent moins souvent. Peut-être parce qu’ils
ont perdu leur âme d’enfant. Pourtant, c’est simple,
magique et fantastique. C’est la vie quoi !
Sur la terre, circule une multitude de rivières pour
irriguer le monde. Notre corps, qui fait tout comme
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Marie Duval
la terre, a besoin d’eau en réserve, car sans eau, il
serait comme une vieille pomme ratatinée. Nous
sommes à l’image de la terre, notre mère, et nous
les hommes, nous avons aussi nos propres rivières.
Ce sont des vaisseaux. Sur la peau, ça fait des routes
bleues, mais dedans, l’eau elle est rouge : c’est du
sang. C’est très important le sang, car si on en perd
beaucoup, on ne peut plus vivre. Sauf, si un autre
homme nous en donne un peu. Il faut réussir à
trouver le bon bonhomme au bon moment car tous
les sangs, bizarrement, ne peuvent pas se mélanger.
Mais si tout se passe bien, regonflé à bloc, avec notre
nouveau sang, on peut continuer à rire et à siffloter.
Les forêts, quant à elles, protègent la terre. Les
arbres sont les cheveux de la planète. Et si on les
lui arrache, elle s’enrhume. Et quand elle éternue,
ça fait des dégâts. Tout le monde est secoué ; de véritables
cataclysmes. Certains hommes veulent déraciner
les arbres, tuer les forêts. Oui ! Ils tirent la
terre par les cheveux. Ca lui fait très mal. Elle crie,
la terre. Ils n’en ont que faire. Ils continuent. On dirait
que personne ne veut l’entendre pleurer, la terre.
Mais les enfants ne les laisseront pas faire. Car ils
savent, eux ! Ils savent que sans arbre, on devient
mort.
Les arbres, ils nous fabriquent de l’oxygène.
C’est de l’air pur. Ils récupèrent notre vieil air qui
nous a servi pour marcher et faire du vélo et ils
nous en refont du neuf. En plus, sans chevelure, la
terre, elle aura l’air d’un vieux crâne chauve avec
des bosses. Et puis nous là-dessus, on aura froid.
Forcément ! Et après, qui est-ce qui lui tricotera
un bonnet à la terre ? Personne. Il n’y aura jamais
assez de laine. Et puis, sans arbres, il n’y aura plus
d’oiseaux, plus d’écureuils Il n’y aura plus rien.
Un désert glacé. Voilà ce qui finira par arriver !
Parce que le soleil, lui, sans arbres et sans oiseaux,
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L’enfant en soi
il ne voudra pas rester. Il trouvera que c’est trop
triste. Il a besoin d’entendre chanter. ça donne de la
force, une chanson !
Ces hommes-là, ceux qui cassent les forêts, on dirait
qu’ils ne savent rien. Alors, les enfants ont appris
les lettres. Et tous ils vont écrire. Au Président de la
République, aux écologistes pour qu’ils avancent encore
plus vite, aux chasseurs de tous poils − et même
à ceux qui ont des cervelles d’oiseau. Et ils vont leur
dire. En rouge et en majuscules ! car on dirait
qu’ils ne voient pas bien clair, ces bonhommes-là,
ceux qui tuent les forêts et les animaux qui y habitent.
Ils vont leur dire les quatre vérités ! Certains enfants
proposent même de faire une collecte de pièces
jaunes pour leur acheter des lunettes. Ils leur diront
qu’il faut planter des arbres et ne plus faire de mal à
la Terre à tout bout de champ.
Dans les villes, c’est pareil. L’air qu’on respire, il
doit être propre. Même les vaches attraperaient des
allergies si elles se promenaient sur les trottoirs. Les
vaches mangent de l’herbe vert foncé et respirent de
l’air transparent. Elles ne sont pas folles les vaches !
Un arbre, ça vit beaucoup plus vieux qu’une vache.
Ca met aussi bien plus de temps à grandir. Il faut
plusieurs vies de vaches pour devenir un bon grand
arbre. Ca paraît pas tout ça !
Bon ! Et si on allait manger une poignée de cerises
Comme ça, on verrait bien que tout ça, c’est
rond, avec un noyau, de la chair et une peau autour.
A condition de ne pas les croquer trop vite et de ne
pas avaler le noyau !
Et voilà, la Terre est notre mère. A tous. Et avant,
la Terre était la mer. Et c’est pour ça que les éléphants
ont une trompe. Quand toutes les espèces vivaient
dans l’eau, à l’époque où toute la Terre était
inondée, la trompe, aux éléphants, elle leur servait de
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Marie Duval
tuba pour respirer. Et peut-être l’utilisaient-ils aussi
comme périscope ! Ca, les savants ne le disent pas.
Un dernier secret ! As-tu déjà pensé à écouter
ton souffle quand tu respires fort par le nez dans le
silence ? Tu entendras le ressac de la mer, son flux
et son reflux. Car comme la mer et la Terre, nous
respirons. A l’unisson. Si possible. Car tout avance
et tourne sur le même rythme. En choeur. C’est
simple. C’est l’harmonie du grand et du petit.
Et s’il t’arrive de pleurer de joie devant tant de
beauté, goûte tes larmes. Tu verras qu’elles ont gardé
le parfum de la mer, du temps où tous les êtres y
habitaient. C’est la mémoire de l’eau Filet d’eau
salée qui devient goutte sur ta joue. Une goutte qui
nous rappelle Gaïa. Gaïa la ronde.
Et l’amour est-ce que c’est rond ? Ben forcément
!!! Sinon, on aurait tous des têtes au carré
comme les robots dans les boîtes de Lego !
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SOMMAIRE
LES VALISES .......................................................... 7
DANS LES BARBELÉS ............................................ 15
ÉROS AURA RAISON DE THANATOS ..................... 19
GAÏA, LA TERRE .................................................... 25
(c) Marie Duval
(Livre "L'enfant en soi paru en 2003) - Disponible sur Amazon et dans quelques bonnes librairies.